L’idée était bonne… Faire revivre l’industrie automobile premium française. « La France est reconnue dans le monde entier pour son industrie du luxe, il n’y a aucune raison pour qu’elle ne soit pas légitime dans l’industrie automobile.« …Voici le leitmotiv qui a convaincu Carlos Tavares pour créer DS. Sans doute l’une de ses premières décisions lorsqu’il prend les rênes de PSA en 2014.
L’idée était bonne, mais dix ans plus tard, le résultat est mitigé. En 2023, DS n’a vendu que 48 000 voitures sur un marché limité au seul périmètre européen (dont la moitié en France), après le retrait du marché chinois en 2020. Et 2024 ne s’annonce pas mieux puisqu’entre janvier et octobre, les ventes ont chuté de encore 25%…
L’époque des 800 000 DS3 est révolue depuis longtemps…
Il est révolu le temps où la marque vendait les DS3 comme des petits pains chauds. Plus de 800 000 entre 2010 et 2019. Certes, cette citadine était en réalité une Citroën C3 remodelée, mais ses lignes plus affûtées et son toit personnalisable lui donnaient un ton plus tendance que sa cousine. Mais elle a marqué une époque et fait naître l’idée que les Français étaient capables de porter une vision de prime.
Le DS3 Crossback donne un nouvel élan à la marque mais s’essouffle rapidement. C’est le DS7 Crossback qui redorera l’image de la marque devenue totalement indépendante de Citroën. Elle bénéficie de l’immense succès du Peugeot 3008, dont elle reprend le châssis et les moteurs, mais de manière bien plus prime. Son agrément de conduite et conception très soignées ont fini par convaincre les automobilistes fatigués du conception allemand austère.
Mais le Covid-19 et les atermoiements réglementaires européens bouleversent l’agenda de DS. La DS4 cale à cause de la pénurie de semi-conducteurs, et ne parvient pas à rebondir une fois la fenêtre de lancement fermée. De son côté, malgré ses qualités reconnues par la presse spécialisée, la DS9 est mal-aimée car produite en Chine.
Tout recommencer à zéro
La marque décide donc de repartir à zéro avant de relancer son plan produit. Olivier Françoisqui prend les rênes de la marque en 2023, souhaite retravailler les produits pour pousser l’aura plus loin »iconique » de chaque modèle. Le n°8 a presque un an de retard sur le calendrier initial.
DS promet d’être au rendez-vous pour les prochains modèles dont on sait qu’ils auront au moins un successeur au DS7. Dans le langage énigmatique des cadres qui ne veulent pas trop en dire, on devine que la silhouette de celui-ci ne sera pas tout à fait celle d’un SUV, mais pas non plus d’une berline, comme la n°8. DS pourrait ainsi s’appuyer sur cette moitié -Silhouette de modèle SUV, demi-coupé pour reconstruire une identité distinctive.
Mais les dirigeants de la marque savent que le véritable plafond de verre de DS n’est pas tant le produit qui n’a rien à envier à la concurrence et dont les essais cliniques ont démontré de nombreuses qualités intrinsèques. Ils espèrent que la direction de Stellantis pourra dissocier la bourse du budget commercialisation pour communiquer davantage sur les produits : publicité, opération de communication et campagne de lancement. « Les campagnes ciblées ne nourrissent pas l’imaginaire collectif autour d’un univers de marque« , soupire un ancien cadre de DS. « Mais la désirabilité d’une marque premium dépend aussi de son incarnation sociale.« , ajoute-t-il.
L’autre sujet reste la cohérence du calendrier produit. DS a interrompu son planning après le lancement de la DS4 en 2021. Rien de nouveau depuis, à part lifting. « Une marque sans produit est une marque morte« , claironne habituellement le patron commercialisation d’une grande marque automobile européenne.
Le marché de l’électricité en panne
Enfin, dernier écueil… DS débarque sur un marché en pleine tempête : le 100% électrique tombe en panne et les valeurs résiduelles sont durement touchées. A 60 000 euros, la n°8 aura avant tout un rôle de vitrine technologique et de voiture de chef de l’Etat. Les modèles suivants devront farouchement défendre leur positionnement tarifaire qui sera forcément supérieur à la gamme précédente.
Cependant, DS sait qu’il est en sursis. Lors de la présentation du n°8, les dirigeants ont eu du mal à cacher les enjeux existentiels du succès de la nouvelle gamme, qui se mesurera moins sur ce modèle que sur les suivants plus positionnés au cœur du marché européen. Le départ précipité de Carlos Tavares met encore plus de pression sur les équipes DS. L’ancien patron, très darwinien, avait indiqué qu’il laisserait son successeur établir une évaluation du portefeuille de marques de Stellantis. Il a jugé que cette révision devrait être réalisée vers 2026-2027.
Mais la nouvelle direction pourrait être beaucoup plus radicale et rationaliser le portefeuille de produits beaucoup plus rapidement. À plusieurs reprises, les marchés ont remis en question la pléthore de marques de Stellantis, observant qu’il n’y a aucune justification à avoir trois marques. prime (avec Alfa Romeo et Lancia).
Face aux réticences de l’Etat italien, prêt à défendre à tout prix son patrimoine culturel et industriel, DS, qui n’a que dix ans, pourrait être le plus facile des trois à déconnecter. A moins d’une bonne surprise sur les ventes…