Dans l’industrie automobile, des gains de productivité sont espérés grâce à l’intelligence artificielle. Mais ce n’est pas le seul secteur où ils sont attendus. Dans la distribution, l’IA a fait ses premiers pas. La gestion de la relation client est l’une des activités où son utilisation a déjà commencé.
Pourquoi la relation client ? Car l’IA trouve son terrain de développement le plus favorable dans les métiers qui génèrent des données variées et en très grande quantité. « Mais ce n’est pas une caractéristique suffisanteestimé Éric Saint‑Frisonconsultant spécialisé dans la transformation de la distribution automobile via les nouvelles technologies. Les entreprises doivent aussi avoir besoin d’exploiter ces données, rapidement et surtout pour améliorer leur productivité.«
Cependant, la distribution automobile, métier particulièrement sous pression, connaît une période de profonde mutation. Coincés entre la volonté des industriels de reprendre le contrôle d’une partie de la chaîne de valeur et la recherche de points de marge supplémentaires, les groupes de distribution doivent améliorer leur efficacité commerciale. « C’est certain, l’intelligence artificielle contribue à réduire les coûts fixes dans ces métiers« , complet Guillaume Couzymaintenant PDG de Redpill.
Ancien directeur marketing mondial, puis directeur commercial France de Peugeot et directeur de Stellantis France, Guillaume Couzy connaît parfaitement le sujet de la relation client. La distribution automobile aussi. « Trop souvent, la relation client est vécue comme une frustration par les deux parties. Il faut arrêter avec les disques automatiques souvent inefficaces et d’un coût très élevé.« , poursuit-il.
Alors que les prix affichés sont généralement compris entre deux et quatre euros par contact, Diago, l’outil développé par la société Redpill, propose un prix divisé au moins par moitié, soit entre 50 centimes et 2 euros par contact. Une fois les 1 000 euros facturés pour l’accès à une concession. De quoi attirer le groupe réseau Stellantis. Un accord a été signé avec la centrale d’achat PerformHa pour déployer l’interface chez six distributeurs Peugeot en phase pilote.
Mais d’autres contacts sont déjà pris pour installer Diago avec d’autres marques. L’objectif est de permettre des interactions simples pour désengorger les centres d’appels des groupes de distribution. Le test qui Le Journal Automobile a pu réaliser est assez étonnant.
Une voix artificielle, basée sur une IA générative mais à la fluidité presque humaine, permet une conversation naturelle pour des actions simples, comme prendre rendez-vous à l’atelier ou suivre une commande. « Nous avons abordé la voix pour qu’elle permette une conversation que l’on puisse qualifier de normale« , assure Guillaume Couzy.
Pour y parvenir, Redpill utilise des briques technologiques existantes sur le marché telles que LLM (grand modèle de langage) qu’il complète par des couches conversationnelles pour garantir la fiabilité des réponses et la sécurité dans la protection des données clients et métiers.
L’entreprise estime que 50 à 80 % des interactions répétitives et sans valeur ajoutée peuvent être déléguées immédiatement grâce à cette méthode. Les 20 % restants resteraient sous la responsabilité d’humains et d’équipes dédiés.
C’est aussi l’analyse faite par Éric Saint‑Frison : «Pourquoi les groupes doivent-ils développer leur propre ensemble, alors que ce n’est pas leur travail ?» Selon ce dernier, les clients sont tout à fait prêts à entamer une conversation virtuelle à condition de pouvoir basculer sur une interaction humaine si nécessaire. L’objectif, en tout état de cause, reste l’assistance client 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.
Sur le terrain, chaque jour apporte son lot d’innovations. Ainsi, la société Civiliz a créé un logiciel sémantique (Liz) qui analyse les mots et expressions dans les avis laissés par les clients et détecte les émotions, comme la frustration, la satisfaction, l’insatisfaction… un moyen de mieux étudier les notes d’e-réputation données par les clients et de les contacter le plus rapidement possible pour résoudre tout problème éventuel.
Dans le groupe Hess Automobilesélu pour le 5e consécutivement Service Client de l’Année, dans la catégorie distribution, AI fait également ses premiers pas. Le centre de relation client s’appuie sur ce type d’outil. « L’humain reste au cœur de la stratégie. Mais les employés des centres d’appels utilisent l’IA pour rationaliser certains points bloquants du parcours client.« , nous a confirmé Brice Agbekponoudirecteur expérience client et marketing du groupe.
Mais la relation client est loin d’être le seul domaine d’intervention de l’IA. Déjà, la tarification dynamique VO s’appuie sur cette intelligence qui fournit des informations cruciales afin d’augmenter les taux de rotation des flottes. « Demain, une IA pourra indiquer chaque matin aux vendeurs VO les 5 véhicules prioritaires à sortir en stock ou optimiser les publicités, ou encore donner le coût de reconditionnement de la voiture ou la valeur de reprise en fonction des données historiques.», promet Éric Saint‑Frison.
Le modèle RAG (génération augmentée de récupération) de cette IA générative renforcée par des informations déjà présentes sur Internet devrait révolutionner la distribution automobile en quête de solutions pour baisser ses coûts.
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IA conversationnelle pour le groupe BYmyCAR
D’ici 2023, des modèles évolués d’IA conversationnelle émergeront dans le sillage de ChatGPT d’OpenAI. BYmyCAR compose son équipe de partenaires français.
Le groupe collaborera avec AlloBrain, société spécialisée dans les réseaux de neurones, et Mistral AI, la référence française de l’IA générative. « Sans même leur apprendre le milieu automobile, nous avons eu des résultats impressionnants», précise Pascal Josselin, directeur numérique du groupe de distribution.
BYmyCAR s’occupe ensuite de déterminer le périmètre d’intervention, à savoir l’information et le conseil auprès des clients VN et VO, puis d’injecter les bases de données structurées et non structurées adaptées.
Le robot était alimenté avec les fiches produits des constructeurs, les informations pratiques des concessions, l’historique du groupe, les grilles de solutions de financement, le détail des garanties ou encore, avec l’aide de Bee2link, le flux de stock VO.
L’équipe a ainsi introduit le robot dans l’automobile, autrement dit, elle lui a appris à comprendre les demandes des internautes pour trouver les meilleures réponses.
Très prochainement, BYmyCAR présentera son nouveau plan quinquennal. Elle placera la relation client et la préférence de marque au cœur des réflexions. Cette IA est donc une première initiative concrète. Le groupe ira plus loin. Il l’utilisera pour analyser les conversations des centres de contact et détecter les situations conflictuelles avec les clients, aidant ainsi les dirigeants à reprendre le contrôle.
Cette initiative a reçu le trophée de l’innovation numérique des Grands Prix de la Distribution Automobile 2024, organisés par Le Journal Automobile.