Le regard bienveillant et le langage corporel qui disent tout. Olivier Hochet fait partie de ces présidents qui exercent encore le travail de commerçant sur le terrain. La baie vitrée de son bureau donnant sur le hall d’exposition confirme cette impression. Il n’abandonne pas et veut constamment prendre le pouls de ses affaires.
Il n’y a rien d’ostentatoire dans son poste de commandement. Mais il se souvient encore de moments glorieux. « Voici notre vitrine de trophéesprésente-t-il avec un sourire. Nos constructeurs nous ont souvent récompensés pour notre niveau de performance.« Un meuble simple qui résume à lui seul la qualité de la relation entre le groupe Saint‑Clair et ses marques, dont Mazda et Kia.
Dans un pavillon
Le groupe familial a aussi connu ses heures sombres. Il aurait pu disparaître au milieu des années 90. Saint-Clair est né d’un rêve brut. Celui de quitter Paris. Nous sommes en 1977. Le Portugal et l’Espagne postulent à l’adhésion à la CEE, tandis que le monde fait ses adieux à Elvis Presley et Charlie Chaplin. Un jeune Saint-Denis (93) frappe à la porte de Mazda, animé par l’esprit d’entrepreneuriat. Daniel Hochet envisage d’ouvrir une concession dans la Manche pour changer d’horizon. A Cherbourg (50), si le constructeur est d’accord. Il obtiendra un contrat pour commercialiser la gamme à Caen (14). Une solution à moyen terme qui lui convient.
L’aventure commence avec peu d’argent. Daniel Hochet a donc trouvé un pavillon à Biéville-Beuville (14), près de Caen, pour lancer l’activité. Le sous-sol devient la réserve de pièces détachées et la gare Avia voisine sert d’atelier. Il conclut un accord avec le supermarché local pour afficher ses VN dans le centre commercial et ses VO sur le parking.
Daniel Hochet a profité du succès de la technologie unique de Mazda au point d’avoir les moyens d’acheter un terrain pour y construire son premier site en 1981. Il l’agrandit dix ans plus tard à la demande du constructeur japonais, qui y vendait actuellement 16 000 voitures par personne. année.
Mais le scénario tourne au cauchemar. Les ventes nationales s’effondrent. Les concessionnaires déposent leur bilan et d’autres sont licenciés. En difficulté, les Caennais doivent éliminer des postes au tournant de l’année 1994.
Hommage à GCA
L’entrée d’Olivier Hochet dans les effectifs du groupe familial a été précipitée par un événement malheureux. Il s’est retrouvé contraint d’y travailler pour indemniser son père, après avoir détruit dans un accident de la route une voiture empruntée au concessionnaire. Mais il dédramatise l’épisode : « De toute façon, je pensais rejoindre l’entreprise depuis que j’étais à l’université.«
La vague de licenciements forcés ne l’épargne cependant pas. Il revient chez Daewoo en tant que directeur régional. Il y voit l’occasion de se faire un nom dans le microcosme de la distribution avant d’être rappelé par son père en 2000 pour entamer la passation de pouvoir.
L’entité Mazda Saint‑Clair réalise près de 250 VN par an grâce à une dizaine de salariés. La relation avec Inchcape, l’importateur, amène le Caennais d’adoption à prendre également les panneaux Isuzu, Daihatsu et Proton.
La dimension change avec Kia, en 2001, dont la croissance incite le groupe à acheter un autre terrain pour lui offrir son propre bâtiment. Caroline Hochetla fille du fondateur, prend la responsabilité. Quant à Olivier, il s’occupe de Mazda, Daihatsu et Isuzu.
Très vite, les courbes se croisent. Kia joue le moteur de la croissance. Le groupe a investi à Lisieux (14) en 2011, puis à Évreux (27) en 2014.Nous souhaitions racheter cette entreprise depuis longtemps, mais sans succès. Lorsque le distributeur a perdu son enseigne, nous nous sommes positionnés», reprend le fil du récit Olivier Hochet, désormais président.
En tant que patron de Saint‑Clair, il a étudié le secteur de la distribution. Il s’efforce de comprendre le fonctionnement des marques concurrentes. La lumière lui viendra d’un homme. « J’ai vu David Gaist grandir avec Toyota et cela m’a inspiré. Je n’ai pas la balance pour GCAmais je continue de m’intéresser à ses choix, toujours pertinents, pour orienter mes décisions« , rend-il hommage au lauréat 2021 du Groupe de l’année aux Grands Prix de la Distribution Automobile.
Partagez les bénéfices
Le groupe normand a tiré les leçons du passé. Il mesure ses investissements immobiliers. Au temps des cathédrales, c’était sobre. « Mon père a toujours mis les gens au centre de ses pensées. Il a été traumatisé de devoir se séparer de son équipepose Olivier Hochet. Après la crise, il les a tous contactés en priorité pour les réembaucher si possible.«
D’ailleurs, avant même que cela ne devienne une pratique courante et alors qu’elle était encore en phase de redressement, Daniel Hochet a introduit le contrat d’intéressement. Le fils poursuit le combat en mettant en place un système de participation. « Nous veillons au bien-être des équipes, partageons les bénéfices avec elles et valorisons les personnes en interne« , explique Olivier Hochet.
Son organigramme le prouve. Ses dirigeants d’aujourd’hui sont les stagiaires, vendeurs et secrétaires d’hier. « Les RH sont difficiles à gérer et nous sommes heureux d’avoir trouvé une formule qui profite à tout le monde. En les accompagnant sur les sommets, nous avons la pleine implication des collaborateurs« , apprécie celui qui a été rejoint par des membres de sa famille.
Outre Caroline, Olivier a accueilli son autre sœur Laure qui supervise l’organisation du groupe, son frère Pierre qui assure le service logistique, son neveu Benjoin qui fait un diplôme de comptabilité en alternance et ses propres enfants comme assistante pour l’une et jockey pour l’autre.
Une conviction électrisante
Daihatsu s’est retiré. Le panneau Isuzu a été restitué lorsque les véhicules 3,5 t ont disparu du catalogue. Puis, le groupe Saint‑Clair a arrêté sa collaboration avec Skoda en 2020, quand son voisin, le groupe Polmarnégocié à grande vitesse la reprise de l’activité.
« Il construit une plaque avec Volkswagen, ça n’avait aucun sens de s’y opposerconcède Olivier Hochet. Il y en avait pour tous les goûts et cela nous a valu les hommages de Dorothée Bonnassies (directeur de Skoda France à l’époque, NDLR) le jour de l’inauguration.«
Mazda et Kia restent. Avec ces marques, l’opérateur accumule les récompenses comme le trophée Club d’excellence 2023 de Mazda et le Concessionnaire Platine de Kia. Dans le réseau sud-coréen, Saint-Clair se classe même au septième rang national, entre Tressol Chabrier et JPVgrâce à ses 1 600 à 1 800 VN vendus par an.
En 2023, la marque sud-coréenne a généré à elle seule 19 000 entrées en atelier. Les revenus sont en constante augmentation. Et la transition énergétique ne fait aucunement peur à l’investisseur »,parce que le parc roulant des véhicules thermiques augmente suffisamment pour compenser la progression des véhicules électriques« Il croit en ce changement, par conviction et par engagement envers ses marques. »Les véhicules électriques ont une pénétration de 15 à 20 % dans nos ventes Kia et je vise 25 à 30 %. Reste à savoir avec quelle rapidité nous atteindrons ce niveau.«
Récemment, elle a mandaté l’un de ses dirigeants pour identifier une marque 100 % électrique à commercialiser. Selon lui, deux pistes méritent d’être explorées. L’un a conduit à XPeng.
Un choix qui convient au fils de Daniel Hochet. « Nous sommes distributeurs de marques asiatiques depuis le début. Quand on prenait Mazda et Kia, chacune à son époque souffrait d’un déficit d’imageévoque le président. XPeng rassemble tout ce que nous recherchons, à savoir la modernité technologique, l’ambition commerciale et la nécessité d’un partenaire solide.«
Une concession est accordée à Caen et, dans la foulée, le groupe œuvre au doublement de sa participation à Rouen (76). A chaque fois, une autre activité assurera la rentabilité : à Caen, ce sera Kia et à Rouen, ce sera une flotte de voitures d’occasion, dont les électriques en priorité.
Remodelage par la VO
La vente de véhicules d’occasion fait partie intégrante de la stratégie du groupe Normand. L’un des éléments clés sera le parc de 7 000 m2 acquis à Blainville (14). Telle une plateforme logistique, elle servira de stock tampon pour les NV des concessions et les VO pour les commerçants.
En fait, les sites commerciaux concentreront davantage de voitures d’occasion à forte marge, transformant une charge financière en centre de profit. Le futur directeur VO pourra également augmenter les achats externes »passer d’environ 40 à 150 unités par mois en deux ans« , confie Olivier Hochet.
Une véritable réserve qui trouvera des relais à Caen, Le Havre et Évreux, trois sites totalisant 14 000 m2 espace d’exposition extérieur. Ce qui convient à la situation de Mazda qui subit commercialement les effets du malus et doit compenser le surdimensionnement de son activité.
Le groupe pourra également s’appuyer sur ses instances pour la préparation. Autre idée empruntée à David Gaist qui appose de telles structures sur chacune de ses assiettes. A Caen, Ambo Carrosserie a ouvert ses portes en 2020 et a obtenu la certification Tesla en 2021. »Au lieu de sous-traiter, nous prenons en charge notre activité et facturons les pièces aux fabricants.« , se réjouit le président.
Sans recourir aux agréments des assureurs, le carnet de commandes est constamment rempli et plus de la moitié des clients sont inconnus des CRM du groupe.
Le reste est en préparation. Daniel Hochet a connu la phase de libéralisation. Olivier Hochet se demande ce que va vivre son successeur. « C’est définitivement la fin de la propriété, mais il reste encore trop d’incertitudes« , imagine-t-il.
Il a fait l’expérience du multimarque et de la concentration. La diversification aussi. Il a parié sur la moto avec Honda chez le concessionnaire d’origine du groupe. Le gérant attend avec impatience les véhicules utilitaires Kia. « Nous ne vendrons toutefois pas de vélos, malgré le potentiel du marché. Il ne faut pas se disperser« , a-t-il déclaré.
Olivier Hochet ouvre plutôt la porte à une nouvelle marque automobile, asiatique si possible et à plusieurs motorisations. La recherche a commencé. Plus que son langage corporel, les propos du président montrent qu’il veut toujours faire des affaires.