Renault et Stellantis ont choisi deux organisations industrielles distinctes pour développer et produire leurs voitures électriques : une filière spécifiquement électrique pour le premier avec la création d’Ampère, et pour le second, une vision plus flexible.
Le match historique Renault-PSA se poursuit au milieu des années 2020 mais les conditions – notamment l’électrification – et les entreprises ont évolué. Le groupe Renault regroupe trois marques de voitures particulières et peut s’appuyer ponctuellement sur Nissan et Mitsubishi pour développer des voitures.
L’esprit de l’Alliance rêvée par Carlos Ghosn a disparu, il reste la coopération ou le partage de voitures et de technologies. PSA, devenu Stellantis grâce à l’intégration de FCA (FiatChrysler), a changé de dimension.
En Europe, son large portefeuille de marques s’adresse à tous les niveaux du marché. Le groupe est le numéro deux européen avec 17 % du marché tandis que Renault est deux fois plus petit.
Nouveau départ pour Renault dans le secteur électrique
Une telle différence de taille pourrait laisser penser que, dans le domaine des voitures 100% électriques, Stellantis bénéficierait d’une taille critique alors que le groupe Renault serait prédestiné à mener des partenariats.
Cette vision quelque peu binaire doit être tempérée par les événements qui ont marqué l’histoire récente de Renault : Luca de Meo et ses équipes ont remanié l’organisation du groupe Renault, notamment dans l’optique de l’électrification du marché européen.
De 2020 à 2023, le groupe a regroupé tous ses moyens industriels liés à l’électricité au sein d’ElectriCity, située dans la région Hauts-de-France. Cette première étape constitue la base d’une nouvelle structure baptisée « Ampère » au sein du groupe Renault.
Ampère : un nouveau constructeur 100% électrique
Née en novembre 2023, Ampère (filiale de Renault) dispose de toutes les ressources nécessaires pour concevoir et produire des voitures électriques pour Renault, Alpine et Dacia, mais aussi d’autres marques.
La Renault 5 représente le véhicule charnière de ce changement d’organisation, mais la future Twingo et la petite Nissan du segment A constitueront les premiers véhicules entièrement développés par Ampère.
Pour Luca de Meo, il était important de concentrer l’activité véhicule électrique au sein d’une structure précise : les ingénieurs d’Ampère ne pensent qu’aux véhicules électriques et ses usines de Douai et Maubeuge ne fabriqueront à terme que des voitures électriques. . Cette orientation reflète le choix de séparer les voitures électriques du reste de la gamme.
Avec cette spécialisation, Ampère espère avoir une longueur d’avance. « Être entièrement concentré sur les véhicules électriques nous permettra de réduire les coûts tout en raccourcissant les délais de développement. » explique Luca de Meo, directeur général d’Ampère et du groupe Renault. Grâce à l’expérience acquise sur les R5 et R4 E-Tech et au renouvellement d’un grand nombre de pièces sur la future Twingo, elle a pu être développée en deux ans.
Plateformes spécifiques ou multi-énergies
Chez Ampère, les voitures sont construites sur des plates-formes conçues uniquement pour les moteurs électriques. L’optimisation concerne notamment l’acoustique et le contrôle des vibrations qui sont spécifiques à un véhicule électrique.
La plateforme AmpR Small, sur laquelle reposent les Renault 5 et 4, dispose d’un essieu arrière multibras permettant de libérer de l’espace pour le pack batterie situé sous le plancher. Ce manque de compromis nous permet d’offrir les meilleures performances aux véhicules électriques d’Ampère.
De son côté, Stellantis a choisi la voie de la plateforme multi-énergies sur laquelle les voitures peuvent être à la fois thermiques et électriques. Carlos Tavares, qui a depuis quitté son poste de président, estime qu’une telle organisation protège ses usines d’assemblage des aléas du marché des voitures électriques. « Une voiture capable d’accueillir des motorisations thermiques ou entièrement électriques offre à chaque acheteur 90 % des performances d’une voiture à architecture spécifique »ajoute-t-il.
Dans sa version thermique, une telle voiture souffre d’un plancher un peu élevé, car conçu pour accueillir un bloc batterie. Autre inconvénient, cette fois dans la version électrique d’une voiture du segment B comme une Peugeot 208, la recherche d’une autonomie maximale a conduit à placer des modules de batterie dans tous les coins, parfois de manière un peu acrobatique. Ces désagréments sont réduits sur les voitures de nouvelle génération basées sur les plateformes STLA.
Il s’agit de plateformes électriques pouvant également accueillir des moteurs thermiques. Le point d’équilibre est donc déplacé vers la version électrique.
Deux organisations industrielles distinctes
Le groupe Renault a opté pour une organisation géographique de sa production de véhicules électriques en région Hauts-de-France. Ampère, qui fabrique des voitures électriques pour les marques du groupe Renault à Douai, indique que 75 % de ses fournisseurs sont à moins de 300 km de ses usines.
La proximité est un élément important de sa stratégie, même si l’usine AESC située à côté de l’unité de Douai ne livrera ses premières batteries pour la Renault 5 qu’en mars prochain. De son côté, Stellantis a choisi de créer une entreprise de batteries avec TotalEnergies et Daimler.
Il s’agit d’ACC, dont la première usine située à Douvrin, dans le Pas-de-Calais, vient tout juste de démarrer sa production en ce dernier trimestre 2024. La hausse des volumes plus lente que prévu a donné lieu à quelques commentaires de Patrick Pouyanné, directeur général de Énergies totales : « Stellantis, Daimler et TotalEnergies n’ont pas les mêmes intérêts : je ne suis pas client ACC », a-t-il souligné lors du Sommet de l’Automobile de Paris en octobre dernier.
Ces difficultés, qui touchent tous les producteurs de batteries, apparaissent alors que les ventes de voitures électriques en Europe sont plus faibles que prévu, le démarrage de la production est plus complexe que prévu tandis qu’un mouvement s’amorce vers une autre chimie – LFP – des batteries.
Pas facile. A ce petit jeu, Stellantis, qui détient 45% d’ACC, se trouve dans une situation financière plus risquée que le groupe Renault pour lequel les producteurs de batteries (AESC, Verkor) sont de simples fournisseurs, sans participation au capital.
Pour un rebond des ventes de voitures électriques ?
Lequel de ces deux organismes serait en mesure de répondre aux souhaits des futurs acheteurs de voitures électriques ? Quant aux voitures du groupe Renault, elles semblent plus performantes car conçues uniquement pour être électriques.
Ils rechercheront les 10 % de services supplémentaires que les voitures multi-énergies de Stellantis ne peuvent pas offrir. Renault et Stellantis misent sur l’attractivité de leurs nouveaux modèles pour amortir leurs investissements : les voitures électriques représentent 17 % du marché français.
Les Renault 5 sont attractives et les premières d’entre elles seront livrées en décembre, tandis que Stellantis a relevé que les ë-C3 constituaient 47% des commandes de C3 et que 25% des Peugeot 3008 étaient demandées avec une motorisation électrique. A suivre en 2025…
L’avis de Le journal automatique
Le groupe Renault et Stellantis ont choisi des voies différentes pour atteindre le même objectif : mettre sur le marché des voitures électriques attractives et les moins chères. En confiant à Ampère la responsabilité de développer et de produire des voitures électriques pour les marques Renault, Alpine, mais aussi Nissan et Mitsubishi, Losange mise sur la performance et l’efficacité. Avec ses voitures qui peuvent être électriques ou hybrides, Stellantis joue la flexibilité industrielle dans un marché incertain, mais a investi des milliards d’euros dans ACC, son producteur de batteries.
retrouvez notre enquête sur les stratégies électriques de Renault et Stellantis dans le journal automatique n°1172 du 28/11/2024.